dimanche 30 novembre 2008

128-am : La libération de Namur ... et après ?

LE JOUR DE LA LIBÉRATION A NAMUR ET APRES ?
Jour d'allégresse et jour de joie ?
Pas pour tout le monde !
par André MAILLARD, ARA du Réseau Clarence

Et enfin voici venir la Libération. Et dans de telles heureuses circonstances, le bouche à oreille fonctionne très vite tel un tam tam qui résonne parmi les ruines.

Ainsi donc, voilà nos libérateurs entrés à Namur peu après un dernier accrochage avec une poignée de Résistants Place Falmagne à Salzinnes, Vite, il faut aller à Namur pour les applaudir.

Sans plus attendre, me voilà parti. Pas facile car le pont sur la Sambre qui relie Salzinnes au centre ville a sauté. Ce qu’il en reste, ce sont les rails du tram de la ligne 5 maintenus tordus par leurs billes qui baignent dans le fleuve pour remonter de l’autre côté. Le passage relève de l’exploit du funambule mais je suis jeune : je passerai.

Lorsque j’arrive en courant devant la gare, les Alliés sont à l’arrêt bloqués par une foule immense qui aurait été bien plus dense encore si un peu avant, la ville de Namur n’avait été bombardée avec plus de quatre cents morts.

La liesse est grande, les femmes, souvent jeunes, grimpées sur les véhicules, embrassent les soldats, d’autres dansent gaiement, ou virevoltent en folles farandoles, certains ont même amené la bonne bouteille soigneusement conservée.

Pourtant, je n’éprouve nulle envie de me joindre à cette folle ambiance. Je suis là sur le trottoir face à l’hôtel de Flandre. Je scrute dans le détail les personnes de ce groupe exubérant. Je reconnais incidemment l’ un ou l’autre et je me demande quels sont ceux, de bonne conscience, qui viennent fêter la fin de tant d’années de misères, d’années perdues, d’années à attendre, parfois en écoutant en sourdine la BBC, d’années à se demander s’il y aura à manger le lendemain … Ces gens au cœur qui éclate de joie sont avides des libertés et des sécurités enfin retrouvées, certains avec l’espoir du retour prochain d’un être cher. Mais sont là aussi ceux qui regrettent la fin des années grasses, la fin du commerce noir : ils n’ont qu’un sourire amer aux lèvres.

Peut- être suis-je devenu taiseux, restant à l’écart de toute festivité comme pendant la guerre où il fallait se protéger de tout et de tous, en somme rester une taupe entre quelques taupes … se taire pour éviter de dire ce qu’il ne faut pas et rester sur ses gardes pour sa sécurité et celle des autres.

Je suis reparti passant devant la demeure du gouverneur Bovesse et là, je me souviens m’être dit : « pourquoi tant de barbarie dans ce monde ? ».

Quelques semaines plus tard, j’assiste une fois encore à des scènes d’une rare exaltation et de bonheur intense. C’est le retour de nos prisonniers militaires libérés de leur stalag (camp de soldats) ou de leur oflag (camp pour officiers). Puis c’est le retour des prisonniers politiques sortis des camps de concentration telles des épaves humaines n’ayant même plus la force de sourire mais ayant eu le courage de résister à l’anéantissement pour venir s’éteindre chez eux parmi les leurs lentement et sans bruit.

Avec les dernières luttes, viendra le drame des bombes volantes, de l’offensive des Ardennes, du plan Marchal aidant l’Allemagne à se reconstruire (nous manquons de tout chez nous aussi, alors chez eux, le charbon devient indispensable), les grandes décisions politiques mondiales provoqueront la guerre froide, tandis que la construction du mur de la honte entre les deux Allemagne à Berlin séparera les familles.

Et notre beau pays, qu’est-il devenu ? Notre pays Belgique, pour la liberté duquel tant de femmes et d’hommes se sont battus et sont morts à cause de tous les sévices subits, s’efforcent d’oublier la guerre, ses souffrances, et ses victimes. Ils oublient tellement qu’aujourd’hui, il se murmure du bout des lèvres un vague Devoir de Mémoire envers ces Combattants. Ce pays va-t-il continuer à vivre dans l’indifférence comme si rien ne s’était passé en 1940-45 ?

Rejoignons les rangs de nos Anciens Combattants. Faisons-nous membre d’une association patriotique, rien qu’une seule, celle où nous en connaissons un que nous croisons de temps à autres et à qui nous n’avons jamais adressé la parole. Aidons-les à nous livrer leurs expériences en les assistant à témoigner avec les moyens modernes de communication ? Allons au-delà des silences du passé. Ce sont les fondations de notre immeuble Belgique que nous allons découvrir tout à côté de nous.

Alors, se souvenant du passé, nous pourrons nous tourner vers un avenir de paix. C’est une paix gagnée au prix du sang. C’est une paix qui devient civisme et respect dans l’exemple. C’est le respect du don de soi pour les générations futures. C’est notre génération qui en hérite et la transmet. Devenons les nouveaux anciens combattants pour la paix.-