par André Maillard, ARA du Réseau Clarence
C’est un moment précis de mon existence dont je me souviens. Je vivais heureux et insouciant à Ronet où j’avais été confié par ma mère à mon oncle suite au décès de mon père alors que je n’avais que 7 ans. Quand la guerre éclate le 8 mai 1940, j’ai 13 ans et poursuis mes études à l’Institut Saint Aubain à Namur (là où se trouve le Campus des Facultés actuellement). Je me rends en train à Namur, au départ de la gare de Ronet, centre névralgique des chemins de fer sur la ligne Charleroi-Namur : les wagons de marchandises y étaient triés et les nouveaux convois organisés.
Régulièrement, mon oncle me demandait de déposer des documents à diverses adresses à Namur. A cette époque, on obéit, on ne discute pas. Et ces petits services duraient depuis de nombreux mois.
Je me souviens avoir été appelé par le Frère Mémoire, directeur de l’Institut. Nous étions en 1943, j’avais déjà 16 ans. Il me m’est d’abord en garde en précisant que les résistants pris par l’ennemi sont torturés et presque toujours envoyés dans des camps et observe ma réaction : aucune à vrai dire, si ce n’est : oui cher Frère !
Et bientôt, le Frère Mémoire aussi me remet des documents pour mon oncle. Il s’agissait de cartes militaires bien détaillées de ma région avec des inscriptions manuscrites.
Ce jour-là, je peux rentrer tout fier à la maison. A mon arrivée à la gare de Ronet, je traverse les voies : c’est un raccourci pour rentrer au plus vite chez moi, quand un coup de sifflet m’arrête dans mon élan. Deux hommes en long manteau de cuir noir m’interpellent en français: police allemande !
Je leur fait face et déclare haut et fort que je traverse les voies pour rentrer chez moi par le jardin qui longe les voies, car mes parents sont absents, et je ne pourrai rentrer par la rue … Pour réponse, je ne reçois qu’un vague geste de mépris et d’indifférence et quelques paroles banales du genre : c’est bon pour une fois, mais ne recommence plus ! Je ne me souviens plus de ma réponse … s’il y en eût une … mais je pris mes jambes à mon cou sans demander mon reste.
Je viens de vivre ma toute première expérience de résistant, car dans ma mallette, je détiens avec mes cours de classe bien d’autres documents !
Le 6 juillet 1946, je reçois la carte n° 15066 d’Agent du Réseau Clarence de l’Union des Services du Renseignement et de l’Action : elle porte mes nom et prénom. Je vais avoir 19 ans, mais on m’en donne bien davantage.
La guerre est bien finie quand je suis convoqué un jour à la prison de Namur où séjournent des personnes qui ont collaborés avec l’ennemi. Je dois identifier mes deux policiers parmi de nombreux autres. Mais je ne suis plus en mesure de les reconnaître tant leurs vêtements actuels sont différents. Ils ont été conduits en rang par deux et à pied jusqu'au Palais de Justice où ils ont été jugés. Quelques jours plus tard, j’apprends que certains de ces collaborateurs ont été exécutés à la Citadelle de Namur.-
C’est un moment précis de mon existence dont je me souviens. Je vivais heureux et insouciant à Ronet où j’avais été confié par ma mère à mon oncle suite au décès de mon père alors que je n’avais que 7 ans. Quand la guerre éclate le 8 mai 1940, j’ai 13 ans et poursuis mes études à l’Institut Saint Aubain à Namur (là où se trouve le Campus des Facultés actuellement). Je me rends en train à Namur, au départ de la gare de Ronet, centre névralgique des chemins de fer sur la ligne Charleroi-Namur : les wagons de marchandises y étaient triés et les nouveaux convois organisés.
Régulièrement, mon oncle me demandait de déposer des documents à diverses adresses à Namur. A cette époque, on obéit, on ne discute pas. Et ces petits services duraient depuis de nombreux mois.
Je me souviens avoir été appelé par le Frère Mémoire, directeur de l’Institut. Nous étions en 1943, j’avais déjà 16 ans. Il me m’est d’abord en garde en précisant que les résistants pris par l’ennemi sont torturés et presque toujours envoyés dans des camps et observe ma réaction : aucune à vrai dire, si ce n’est : oui cher Frère !
Et bientôt, le Frère Mémoire aussi me remet des documents pour mon oncle. Il s’agissait de cartes militaires bien détaillées de ma région avec des inscriptions manuscrites.
Ce jour-là, je peux rentrer tout fier à la maison. A mon arrivée à la gare de Ronet, je traverse les voies : c’est un raccourci pour rentrer au plus vite chez moi, quand un coup de sifflet m’arrête dans mon élan. Deux hommes en long manteau de cuir noir m’interpellent en français: police allemande !
Je leur fait face et déclare haut et fort que je traverse les voies pour rentrer chez moi par le jardin qui longe les voies, car mes parents sont absents, et je ne pourrai rentrer par la rue … Pour réponse, je ne reçois qu’un vague geste de mépris et d’indifférence et quelques paroles banales du genre : c’est bon pour une fois, mais ne recommence plus ! Je ne me souviens plus de ma réponse … s’il y en eût une … mais je pris mes jambes à mon cou sans demander mon reste.
Je viens de vivre ma toute première expérience de résistant, car dans ma mallette, je détiens avec mes cours de classe bien d’autres documents !
Le 6 juillet 1946, je reçois la carte n° 15066 d’Agent du Réseau Clarence de l’Union des Services du Renseignement et de l’Action : elle porte mes nom et prénom. Je vais avoir 19 ans, mais on m’en donne bien davantage.
La guerre est bien finie quand je suis convoqué un jour à la prison de Namur où séjournent des personnes qui ont collaborés avec l’ennemi. Je dois identifier mes deux policiers parmi de nombreux autres. Mais je ne suis plus en mesure de les reconnaître tant leurs vêtements actuels sont différents. Ils ont été conduits en rang par deux et à pied jusqu'au Palais de Justice où ils ont été jugés. Quelques jours plus tard, j’apprends que certains de ces collaborateurs ont été exécutés à la Citadelle de Namur.-